• Après des semaines de soulèvements au Moyen-Orient ainsi qu'au Maghreb, les bouleversements en cours recèlent encore bien des énigmes. Entretien avec Gilles Kepel, politologue et spécialiste de l'islam.

     

    L'intervention occidentale en Libye ne modifie-t-elle pas la donne du "printemps arabe" ?

    En Libye, la voie étroite de la coalition militaire est de neutraliser la capacité d'action de l'armée de Kadhafi tout en permettant que les structures de pouvoir libyennes elles-mêmes le fassent partir - comme cela a été le cas pour Ben Ali et Moubarak - sans quoi on change de registre et on bascule dans le schéma d'une intervention occidentale, avec le legs calamiteux de l'Irak et de l'Afghanistan en arrière-plan.

    Le problème est que la Libye n'est pas, contrairement à l'Egypte ou à la Tunisie, une société fortement institutionnalisée, où un chef d'état-major peut basculer et être obéi par ses troupes pour chasser le président en lien avec les forces sociales. Seul le lâchage du colonel par les dirigeants des grandes tribus peut assurer ce processus, et s'ils se convainquent que Kadhafi et sa famille sont persona non grata dans le monde et surtout qu'il sera difficile de négocier le pétrole libyen, on peut penser qu'ils le pousseront dehors.

    Quels seront les prochains dominos ? Le Yémen, la Syrie ?

    Le Yémen est un hybride entre civilisation urbaine et réseaux tribaux, entre les modèles égyptiens et libyens, si l'on veut. La contestation urbaine à Sanaa et Aden prend des formes "place Tahrir" (il y en a du reste une de ce nom à Sanaa), mais la clé de l'équilibre militaire reste entre les mains des leaders tribaux qui n'ont pas encore basculé.

    Et surtout la situation au Yémen, comme à Bahreïn, est une source d'inquiétude pour l'Arabie saoudite voisine, géant pétrolier fragile - ce qui explique le peu d'empressement des Etats importateurs de pétrole à soutenir des transitions qui risqueraient de menacer les approvisionnements au quotidien. On est là au coeur des contradictions qui articulent les révolutions arabes avec la rente pétrolière et risquent d'en hypothéquer le devenir.

    Pour la Syrie, qui se pensait protégée par son rôle de champion de la résistance arabe contre Israël, les événements de Deraa et leurs suites éventuelles indiquent que les aspirations au changement peuvent sortir du cadre de l'union sacrée imposée par le conflit avec l'Etat juif. Or l'Iran et ses alliés, y compris le Hamas, qui sont mal à l'aise avec des revendications démocratiques qui les mettent en cause, ont intérêt à ce que ce front redevienne actif.

    C'est aussi le souhait des faucons israéliens, à qui cela évite de faire face à la perspective d'un Etat palestinien reconnu par l'Assemblée générale de l'ONU en septembre prochain, en dépeignant les Palestiniens comme des partenaires non fiables et toujours tentés par la violence. Raviver le conflit armé, relancer les actions terroristes, est dans l'intérêt des régimes favorables au statu quo et hostiles à l'aspiration des sociétés civiles.

    Quelles premières leçons peut-on tirer de ces semaines de "printemps arabe" ?

    A ce stade, les révolutions arabes n'en sont qu'à leur début. Les conséquences que celles-ci auront sur leur environnement, l'approvisionnement en pétrole, l'immigration et la relation avec Israël sont encore à venir. En revanche, il est d'ores et déjà possible d'affirmer qu'elles nous ont fait entrer dans une phase nouvelle, qui clôt la séquence ouverte par le 11-Septembre. En quoi ? En ce que la mouvance islamiste voit sa frange la plus radicale perdre la partie et sa frange "participationniste", celle qui accepte d'agir au sein de la société (contrairement à ceux qui pratiquent la résistance armée type GIA ou Al-Qaida), désormais sommée de s'adapter à la réalité démocratique. En Egypte, les Frères musulmans représentent la force politique la plus structurée dotée d'un immense réseau associatif.

    Mais il est intéressant de noter qu'à propos des événements récents ils ne parlent sur leur site que de "révolution populaire". Ils paraissent surtout courir après un mouvement dont ils n'ont pas pris l'initiative. En réalité, ces deux tendances divisent la mouvance islamiste depuis les affrontements des islamistes avec le pouvoir algérien dans les années 1990. Les attentats du 11-Septembre ont donné un regain aux radicaux qui ont occupé l'agenda international durant toute une décennie. Mais le martyr exemplaire s'est révélé un moyen insuffisant pour mobiliser les masses en leur faveur.

    En revanche, la configuration qui a prévalu après le 11-Septembre a octroyé un sursis aux régimes autocratiques qui se sont présentés comme les seuls remparts contre Al-Qaida. C'est l'obsolescence du modèle Al-Qaida qui a mis fin, par ricochet, à ce sursis.

    Quels sont les facteurs qui ont réveillé l'envie démocratique dans ces pays ?

    L'un d'eux tient à la situation turque. La petite bourgeoisie pieuse venue des campagnes qui forme la base sociale de l'AKP (Parti de la justice et du développement) a montré qu'elle avait réussi à écarter les militaires. Le régime d'Ankara est le produit d'une alliance entre cette classe moyenne pieuse en ascension et la grande bourgeoisie cosmopolite d'Istanbul.

    Mais il faut se garder de voir dans l'AKP un pur parti islamiste attiré par l'Iran. Le nucléaire iranien reste une menace aussi pour la Turquie voisine, et l'AKP est tiraillé entre des tendances contradictoires radicales ou sécularisées. Bref, ce que la situation turque révèle, c'est que la marche de la démocratisation a sa logique, qui peut entrer en contradiction avec l'idéologie "Frères musulmans" usuelle.

    Plus généralement, nous assistons à une transformation du logiciel politique des sociétés arabes. Les islamistes n'ont pas réussi à contrôler le vocabulaire des soulèvements en cours. C'est une différence considérable avec la révolution iranienne d'il y a trente ans. A cette époque, l'ayatollah Khomeyni avait réussi à imposer son cadre rhétorique et son langage à la révolte démocratique contre le chah pour la subvertir.

    A l'inverse, les islamistes "participationnistes" égyptiens ne sont pas parvenus à faire prévaloir le leur pour dire ce qui est en train de se produire. Même les chiites de Bahreïn utilisent un vocabulaire "droits de l'homme" et démocratique. Et s'il y a un échec de notre diplomatie, c'est bien de n'avoir pas su saisir ce que ce mouvement avait d'autonome et d'universel. Il n'est d'ailleurs pas certain que ce mouvement demeure musulman ou arabe.

    Ce "changement de logiciel" caractérise-t-il toutes les révoltes ?

    Bien sûr, il faut aussi tenir compte des situations locales. Certes, le vocabulaire est commun. Mais la syntaxe, elle, peut changer. Ce mouvement est ainsi né en Tunisie, dans une société culturellement très mixte marquée par la coalescence entre classes urbaines et jeunesse pauvre. Si l'Est a bougé en Libye, c'est aussi parce qu'il y avait eu peu de transferts de la manne pétrolière vers une région dont Kadhafi se méfiait...

    En revanche, le phénomène commun à tous ces pays, c'est l'omniprésence du renseignement policier (Moukhabarat). A ce propos, on peut se demander comment il se fait que des régimes aussi autocratiques et policiers aient pu ainsi se laisser prendre au dépourvu par les soulèvements.

    La réponse est simple. Ils n'ont pas vu venir la génération Twitter, la jeunesse en rébellion contre ces gérontocraties régnantes qui, répétons-le, avaient bénéficié d'un délai supplémentaire de dix ans, à cause d'Oussama Ben Laden.

    Peut-on craindre des retours en arrière ou des développements à la libyenne ? La mobilisation autour de Facebook ou de Twitter suffira-t-elle à installer une démocratie durable ?

    La face d'ombre de ces révolutions, c'est qu'elles suivent des décennies de répression telle qu'elle a inhibé la capacité de former des élites de substitution. Il n'y a pas, comme en Europe de l'Est, une dissidence sortie des prisons. On doit se garder de fétichiser les réseaux sociaux formés autour du Net. Quant aux télévisions, qui ont joué le rôle que l'on sait, celles-ci ont leurs limites. Al-Jazira est critiquée pour sa tiédeur dès lors que Bahreïn ou l'Arabie saoudite et le Hamas sont mis en cause et, en Egypte, elle est désormais concurrencée par l'émergence des télévisions satellitaires.

    Les médias égyptiens libérés reconquièrent peu à peu la niche que s'était assurée la chaîne qatarie.

    Les opposants de l'exil n'ont généralement pas d'expérience politique. En Egypte, ce qui a remplacé Moubarak, c'est le Conseil suprême des forces armées. Cette fois-ci, aucun nouveau "Mamelouk" n'a été désigné (à l'inverse de ce qui s'était passé depuis Naguib et Nasser, puis Sadate et Moubarak). Les contre-pouvoirs ne s'appuient sur aucune institution. Les élites politiques en gestation doivent impérativement sortir du monde virtuel pour s'implanter sur le terrain. Le cyberespace peut servir d'adjuvant mais ne saurait se substituer à tout.

    Le scénario le plus noir serait que ces révolutions ne parviennent pas à maturité dans l'espace intérieur.

    Quelles conséquences peut-on envisager sur le conflit israélo-arabe ?

    Pendant longtemps a régné en Israël la thèse selon laquelle l'Etat juif aurait plus intérêt à traiter avec des autocrates qu'avec des régimes démocratiques. Pourtant, au vu des résultats, il est permis d'en douter. Traiter avec des dictatures arabes n'a abouti jusqu'à présent qu'à édifier un mur et à vivre en ghetto par rapport à la région.

    Evidemment, pour un processus comme celui d'Oslo, qui cherchait à impulser la paix par le haut, cela pouvait à première vue présenter des avantages. Mais finalement ce processus a buté parce qu'il n'a pas été accepté par les sociétés. Au contraire, la situation actuelle offre une occasion historique de dialogue entre sociétés israélienne et arabe. Hélas !, la reprise des affrontements indique que les adversaires du processus démocratique sont toujours bien présents.

    Les conséquences en Europe et en France

    L'Union européenne doit mettre en oeuvre des aides pour permettre le redressement de ces pays et soutenir la transition. Je pense en premier lieu à la Tunisie, si proche de nous, dont l'économie est imbriquée avec la nôtre, à qui il faut proposer des aides comparables à celles dont ont bénéficié les anciens pays communistes. Sinon tout est possible, des migrations incontrôlées à l'irruption des "barbus".

    Ce qui s'est passé dans le monde arabe a un effet miroir dans les sociétés européennes : en France, on a vu un remaniement ministériel provoqué par un bouleversement survenu dans un autre pays (en Tunisie), ce qui est tout de même exceptionnel ! La question des répercussions sur l'immigration en France se pose également. Ces bouleversements dans le monde arabe ouvrent une dimension nouvelle aux jeunes des banlieues, dont certains ont pu être fascinés par le discours de rupture culturelle prônée par les salafistes. Dès lors qu'il existe au bled un discours sur la démocratie et les droits de l'homme, comment cela ne pourrait-il pas avoir des effets sur la participation démocratique de ces populations, de ce côté-ci de la Méditerranée ? Aujourd'hui, il y a en France toute une jeune génération d'élus issus de la diversité (que les cantonales font apparaître) avec laquelle il va falloir compter. En somme, que ces révolutions arabes surviennent au moment même où nous rencontrons parmi ces jeunes issus de l'immigration l'émergence d'un désir, d'une revendication de responsabilité constitue une bonne nouvelle.

    Au lieu de poser la question de l'islam au début du débat sur la laïcité, contresens que commet une partie de la classe politique, elle doit être incluse au terme d'une réflexion sur l'intégration - qui passe par la rénovation urbaine, l'éducation, l'emploi, la sécurité et la participation politique -, ce qui permettra d'accompagner une banalisation du fait religieux à partir du pacte laïque.

    Dès lors qu'il y a un accompagnement social du projet républicain, par une politique cohérente et inclusive de la ville notamment, on constate qu'il se passe aussi des choses formidables en banlieue ! La pratique religieuse n'apparaîtra plus comme la citadelle où se nichent salafistes et Frères musulmans sous leurs divers avatars, mais comme une composante parmi d'autres de l'identité dans une société profondément laïque.

    C'est ce que mon équipe et moi-même observons au quotidien dans l'enquête que nous effectuons depuis six mois pour l'Institut Montaigne dans l'agglomération emblématique de Clichy-Montfermeil (là même où se sont déclenchées les émeutes de 2005, et où est engagé le plus gros programme de rénovation urbaine de France). Il s'agit d'un enjeu essentiel de l'élection présidentielle prochaine. Il est important qu'il soit mené sérieusement, appuyé sur des données solides, et cesse d'être pris en otage par des fantasmes politiciens à courte vue qui ne traduisent pas la réalité de notre société.

    Il en va de l'avenir de notre pays - envers lequel les démocrates arabes ont aussi des attentes, et dont le modèle doit pouvoir contribuer à nourrir leurs espoirs de changement.


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    Chez Novance, quand l´huile végétale remplace le pétrole


     

    Le 07 décembre 2004 par Marie-Hombeline Vincent


     

    Les huiles végétales et leurs dérivés peuvent se substituer aux huiles minérales d´origine pétrolière. Visite de Novance, une société spécialisée dans l´oléochimie.


     


    « Environ un tiers de nos produits ont moins de quatre ans », annonce Dominique Charlemagne, directeur de la production et du secteur recherche-développement de Novance. Cette société basée près de Compiègne, sur le site de l´usine Robbe (trituration de graines oléagineuses) et d´une usine de Diester, est spécialisée dans l´oléochimie. L´oléochimie est la chimie des huiles végétales et de leurs dérivés dans les usages industriels, où elles se substituent à des produits d´origine pétrolière. De la chimie verte donc. Ces produits biodégradables ont le vent en poupe et les usages sont nombreux.
    Cependant, « un produit doit d´abord répondre à des caractéristiques techniques précises et avoir un prix concurrentiel pour intéresser un industriel. Ensuite, son origine végétale et sa biodégradibilité sont des `plus´ qui aident à vendre, surtout s´il a une spécificité technique supplémentaire intéressante. Mais il ne faut pas se leurrer, l´aspect `préservation de l´environnement´ vient après les aspects industriels », précise avec force Dominique Charlemagne.
    On peut classer les différents usages industriels des huiles végétales et de leurs dérivés en trois grandes familles.
    D´abord les « revêtements », c´est-à-dire les peintures, les encres, des vernis, les lasures. C´est l´activité « historique » de Novance.
    « Il y a huit ans, cela représentait 90 % de notre activité, explique le directeur de la production, aujourd´hui 50 % seulement ». Mais les volumes globaux ont augmenté.
    Des peintures sans solvants et sans odeurs
    Novance fournit des fabricants en résines alkydes, des composés qui remplacent les solvants dans les peintures. Ces résines sont des liants sans odeur, diluables dans l´eau pour un usage plus sûr, plus agréable. Dans les encres, les résines diminuent la teneur en Composés organiques volatils (COV) ; c´est un plus pour l´environnement.
    Ensuite, deuxième grande famille, viennent les lubrifiants hors moteurs. Les huiles sont utilisées dans l´industrie pour le traitement des métaux, ou comme fluide hydraulique. Comme pour les revêtements, Novance fournit des industriels (Castrol, Igol par exemple) qui utilisent ses produits dans leurs formulations commerciales ou encore au cours des process industriels.
    Le troisième secteur, en plein développement, est celui des usages des huiles et esters dans les phytosanitaires.
    Chaîne d´embouteillage d´Actirob, en bidons de 5 et 20 litres. ©M.-H. Vincent

    Un catalogue d´une centaine de références
    L´usine de Venette près de Compiègne consomme environ 12 000 tonnes par an d´huiles diverses, huiles de colza (standard et érucique), de tournesol (standard et oléique) d´abord, de lin, de soja ou de ricin mais aussi de coprah ou de palme. Ces huiles sont utilisées en l´état ou transformées par exemple en esters suite à une réaction avec un alcool ; ou encore en résines après amidation et polymérisation. Entre les différentes huiles et les différents alcools ou autres réactifs, de nombreuses combinaisons sont possibles. Novance a plus d´une centaine de références à son catalogue avec des volumes de production variables. L´usine dispose de deux réacteurs en continu, de 17 autres d´un volume de 3 à 40 mètres cubes, certains travaillant à 150ºC maximum, d´autres à 290ºC maximum, sans compter deux réacteurs pilotes. « Nous disposons d´un outil industriel multiproduit, flexible et automatisé », assure Dominique Charlemagne.
    L´un de ses soucis permanents comme directeur de la production est de planifier au mieux les utilisations des différents réacteurs, en limitant les temps morts (vidanges, nettoyage.) entre 2 productions. D´autant que l´usine est en flux tendu, avec peu de stock, travaillant selon les commandes des clients.
    Sur les 65 salariés de l´entreprise, le service recherche-développement compte huit personnes. Compte-tenu de la taille de l´entreprise, de ses produits et de ses clients, ce service fait plus d´assistance technique à la production ou en aval auprès des clients que de la recherche et développement proprement dite. « Nous travaillons beaucoup en aval de la production avec nos clients pour répondre au mieux à leurs attentes, mettre au point avec eux les produits dont ils ont besoin. »
    Novance bénéficie de l´expertise et des laboratoires de ses partenaires, ceux de la filière oléagineuse comme le laboratoire de l´institut des corps gras (Iterg), ou encore de Bayer ou de Rhodia, ancien actionnaire et toujours partenaire commercial pour certaines spécialités.
    L´avenir est à la chimie verte. Sans aucun doute, celui de Novance est assuré.
    L´usine de Venette près de Compiègne dispose de dix-neuf réacteurs de tailles différentes. ©M.-H. Vincent


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  • AL CAÏRA

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  • Écoute, écoute... Dans le silence de la mer, il y a comme un balancement maudit qui vous met le cœur à l'heure, avec le sable qui se remonte un peu, comme les vieilles putes qui remontent leur peau, qui tirent la couverture.

    Immobile... L'immobilité, ça dérange le siècle.
    C'est un peu le sourire de la vitesse, et ça sourit pas lerche, la vitesse, en ces temps.
    Les amants de la mer s'en vont en Bretagne ou à Tahiti.
    C'est vraiment con, les amants.

    Il n'y a plus rien

    Camarade maudit, camarade misère...
    Misère, c'était le nom de ma chienne qui n'avait que trois pattes.
    L'autre, le destin la lui avait mise de côté pour les olympiades de la bouffe et des culs semestriels qu'elle accrochait dans les buissons pour y aller de sa progéniture.
    Elle est partie, Misère, dans des cahots, quelque part dans la nuit des chiens.

    Camarade tranquille, camarade prospère
    Quand tu rentreras chez toi
    Pourquoi chez toi ?
    Quand tu rentreras dans ta boîte, rue d'Alésia ou du Faubourg
    Si tu trouves quelqu'un dans ton lit
    Si tu y trouves quelqu'un qui dort
    Alors va-t'en, dans le matin clairet
    Seul
    Te marie pas
    Si c'est ta femme qui est là, réveille-la de sa mort imagée
    Fous-lui une baffe, comme à une qui aurait une syncope ou une crise de nerfs...
    Tu pourras lui dire : "Dis, t'as pas honte de t'assumer comme ça dans ta liquide sénescence ?
    Dis, t'as pas honte ? Alors qu'il y a quatre-vingt-dix mille espèces de fleurs ?
    Espèce de conne !"
    Et barre-toi !
    Divorce-la
    Te marie pas !
    Tu peux tout faire
    T'empaqueter dans le désordre, pour l'honneur, pour la conservation du titre...

    Le désordre, c'est l'ordre moins le pouvoir!

    Il n'y a plus rien

    Je suis un nègre blanc qui mange du cirage
    Parce qu'il se fait chier à être blanc, ce nègre,
    Il en a marre qu'on lui dise: " Sale blanc !"

    A Marseille, la Sardine qui bouche le port
    Était bourrée d'héroïne
    Et les hommes-grenouilles n'en sont pas revenus...
    Libérez les sardines
    Et y aura plus de mareyeurs !

    Si tu savais ce que je sais
    On te montrerait du doigt dans la rue
    Alors, il vaut mieux que tu ne saches rien
    Comme ça, au moins, tu es peinard, anonyme, citoyen !

    Tu as droit, citoyen, au minimum décent
    A la publicité des enzymes et du charme
    Au trafic des dollars et aux trafiquants d'armes
    Qui traînent les journaux dans la boue et le sang

    Tu as droit à ce bruit de la mer qui descend
    Et si tu veux la prendre, elle te fera du charme
    Avec le vent au cul et des sextants d'alarme
    Et la mer reviendra sans toi, si tu es méchant

    Les mots... toujours les mots, bien sûr !
    Citoyens ! Aux armes !
    Aux pépées, citoyens ! A l'amour, citoyens !
    Nous entrerons dans la carrière quand nous aurons cassé la gueule à nos aînés !
    Les préfectures sont des monuments en airain
    Un coup d'aile d'oiseau ne les entame même pas, c'est vous dire !

    Nous ne sommes même plus des Juifs allemands
    Nous ne sommes plus rien
    Il n'y a plus rien

    Des futals bien coupés sur lesquels lorgnent les gosses, certes !
    Des poitrines occupées
    Des ventres vacants
    Arrange-toi avec ça !

    Le sourire de ceux qui font chauffer leur gamelle
    Sur les plages reconverties et démoustiquées
    C'est-à-dire en enfer, là où Dieu met ses lunettes noires pour ne pas risquer d'être reconnu par ses admirateurs
    Dieu est une idole, aussi !
    Sous les pavés, il n'y a plus la plage
    Il y a l'enfer et la sécurité
    Notre vraie vie n'est pas ailleurs, elle est ici
    Nous sommes au monde, on nous l'a assez dit
    N'en déplaise à la littérature

    Les mots, nous leur mettons des masques, un bâillon sur la tronche
    A l'encyclopédie, les mots !
    Et nous partons avec nos cris !
    Et voilà !

    Il n'y a plus rien...plus, plus rien

    Je suis un chien ?
    Perhaps !
    Je suis un rat
    Rien
    Avec le cœur battant jusqu'à la dernière battue

    Nous arrivons avec nos accessoires pour faire le ménage dans la tête des gens
    Apprends donc à te coucher tout nu !
    Fous en l'air tes pantoufles !
    Renverse tes chaises !
    Mange debout !
    Assois-toi sur des tonnes d'inconvenances et montre-toi à la fenêtre en gueulant des gueulantes de principe

    Si jamais tu t'aperçois que ta révolte s'encroûte et devient une habituelle révolte, alors
    Sors
    Marche
    Crève
    Baise
    Aime enfin les arbres, les bêtes et détourne-toi du conforme et de l'inconforme
    Lâche ces notions, si ce sont des notions
    Rien ne vaut la peine de rien

    Il n'y a plus rien...plus, plus rien

    Invente des formules de nuit. CLN : C'est la nuit !
    Même au soleil, surtout au soleil, c'est la nuit

    Tu peux crever. Les gens ne retiendront même pas une de leurs inspirations
    Ils canaliseront sur toi leur air vicié en des regrets éternels puant le certificat d'études et le catéchisme ombilical
    C'est vraiment dégueulasse !
    Ils te tairont, les gens
    Les gens taisent l'autre, toujours
    Regarde, à table, quand ils mangent
    Ils s'engouffrent dans l'innommé
    Ils se dépassent eux-mêmes et s'en vont vers l'ordure et le rot ponctuel !

    La ponctuation de l'absurde, c'est bien ce renversement des réacteurs abdominaux, comme à l'atterrissage : on rote et on arrête le massacre
    Sur les pistes de l'inconscient, il y a des balises baveuses toujours un peu se souvenant du frichti, de l'organe, du repu

    Mes plus beaux souvenirs sont d'une autre planète
    Où les bouchers vendaient de l'homme à la criée

    Moi, je suis de la race ferroviaire qui regarde passer les vaches
    Si on ne mangeait pas les vaches, les moutons et les restes
    Nous ne connaîtrions ni les vaches, ni les moutons, ni les restes
    Au bout du compte, on nous élève pour nous becqueter
    Alors, becquetons !
    Côte à l'os pour deux personnes, tu connais ?

    Heureusement il y a le lit : un parking !
    Tu viens, mon amour ?
    Et puis, c'est comme à la roulette : on mise, on mise
    Si la roulette n'avait qu'un trou, on nous ferait miser quand même
    D'ailleurs, c'est ce qu'on fait !
    Je comprends les joueurs : ils ont trente-cinq chances de ne pas se faire mettre
    Et ils mettent, ils mettent
    Le drame, dans le couple, c'est qu'on est deux
    Et qu'il n'y a qu'un trou dans la roulette

    Quand je vois un couple dans la rue, je change de trottoir !
    Te marie pas
    Ne vote pas
    Sinon t'es coincé

    Elle était belle comme la révolte
    Nous l'avions dans les yeux
    Dans les bras, dans nos futals
    Elle s'appelait l'imagination
    Elle dormait comme une morte, elle était comme morte
    Elle sommeillait
    On l'enterra de mémoire

    Dans le cocktail Molotov, il faut mettre du Martini, mon petit !

    Transbahutez vos idées comme de la drogue. Tu risques rien à la frontière
    Rien dans les mains
    Rien dans les poches

    Tout dans la tronche !

    - Vous n'avez rien à déclarer ?
    - Non
    - Comment vous nommez-vous ?
    - Karl Marx
    - Allez, passez

    Nous partîmes. Nous étions une poignée...

    Nous nous retrouverons bientôt démunis, seuls, avec nos projets dans le passé
    Écoutez-les...écoutez-les...
    Ça râpe comme le vin nouveau
    Nous partîmes...Nous étions une poignée
    Bientôt ça débordera sur les trottoirs
    La parlote, ça n'est pas un détonateur suffisant
    Le silence armé, c'est bien, mais il faut bien fermer sa gueule
    Toutes des concierges !
    Écoutez-les...

    Il n'y a plus rien

    Si les morts se levaient ?
    Hein ?

    Nous étions combien ?
    Ça ira !

    La tristesse, toujours la tristesse

    Ils chantaient, ils chantaient
    Dans les rues

    Te marie pas
    Ceux de San Francisco, de Paris, de Milan
    Et ceux de Mexico
    Bras dessus bras dessous
    Bien accrochés au rêve

    Ne vote pas

    Ô DC-8 des pélicans
    Cigognes qui partent à l'heure
    Labrador, lèvres des bisons
    J'invente en bas des rennes bleus
    En habit rouge du couchant
    Je vais à l'ouest de ma mémoire
    Vers la clarté, vers la clarté

    Je m'éclaire la nuit dans le noir de mes nerfs
    Dans l'or de mes cheveux j'ai mis cent mille watts
    Des circuits sont en panne dans le fond de ma viande
    J'imagine le téléphone dans une lande
    Celle où nous nous voyons moi et moi
    Dans cette brume obscène au crépuscule teint
    Je ne suis qu'un voyant embarrassé de signes
    Mes circuits déconnectent
    Je ne suis qu'un binaire

    Mon fils, il faut lever le camp comme lève la pâte
    Il est tôt. Lève-toi. Prends du vin pour la route
    Dégaine-toi du rêve anxieux des bien-assis
    Roule, roule, mon fils, vers l'étoile idéale
    Tu te rencontreras, tu te reconnaîtras
    Ton dessin devant toi, tu rentreras dedans
    La mue ça se fait à l'envers dans ce monde inventif
    Tu reprendras ta voix de fille et chanteras demain
    Retourne tes yeux au-dedans de toi
    Quand tu auras passé le mur du mur
    Quand tu auras outrepassé ta vision
    Alors tu verras... rien!

    Il n'y a plus rien

    Que les pères et les mères
    Que ceux qui t'ont fait
    Que ceux qui ont fait tous les autres
    Que les "Monsieur"
    Que les "Madame"
    Que les assis dans les velours glacés, soumis, mollasses
    Que ces horribles magasins roulants
    Qui portent tout en devanture
    Tous ceux à qui tu pourras dire :

    Monsieur !
    Madame !

    Laissez donc ces gens-là tranquilles
    Ces courbettes imaginées que vous leur inventez
    Ces désespoirs soumis
    Toute cette tristesse qui se lève le matin à heure fixe pour aller gagner vos sous
    Avec les poumons resserrés
    Les mains grandies par l'outrage et les bonnes mœurs
    Les yeux défaits par les veilles soucieuses
    Et vous comptez vos sous ?
    Pardon, leurs sous !

    Ce qui vous déshonore
    C'est la propreté administrative, écologique, dont vous tirez orgueil
    Dans vos salles de bains climatisées
    Dans vos bidets déserts
    En vos miroirs menteurs

    Vous faites mentir les miroirs !
    Vous êtes puissants au point de vous refléter tels que vous êtes
    Cravatés
    Envisonnés
    Empapaoutés de morgue et d'ennui dans l'eau verte qui descend
    des montagnes et que vous vous êtes arrangés pour soumettre
    A un point donné
    A heure fixe

    Pour vos narcissiques partouzes
    Vous vous regardez et vous ne pouvez même plus vous reconnaître
    Tellement vous êtes beaux
    Et vous comptez vos sous
    En long
    En large
    En marge
    De ces salaires que vous lâchez avec précision
    Avec parcimonie
    J'allais dire "en douce", comme ces aquilons avant-coureurs et qui racontent les exploits du bol alimentaire, avec cet apparat vengeur et nivellateur qui empêche toute identification
    Je veux dire que pour exploiter votre prochain, vous êtes les champions de l'anonymat

    Les révolutions ? Parlons-en !
    Je veux parler des révolutions qu'on peut encore montrer
    Parce qu'elles vous servent
    Parce qu'elles vous ont toujours servis
    Ces révolutions qui sont de "l'Histoire"
    Parce que les "histoires" ça vous amuse, avant de vous intéresser
    Et quand ça vous intéresse, il est trop tard, on vous dit qu'il s'en prépare une autre
    Lorsque quelque chose d'inédit vous choque et vous gêne
    Vous vous arrangez la veille, toujours la veille, pour retenir une place
    Dans un palace d'exilés, dans un pays sûr, entouré du prestige des déracinés
    Les racines profondes de ce pays, c'est vous, paraît-il
    Et quand on vous transbahute d'un désordre de la rue, comme vous dites, à un ordre nouveau, vous vous faites greffer au retour et on vous salue

    Depuis deux cents ans, vous prenez des billets pour les révolutions.
    Vous seriez même tentés d'y apporter votre petit panier
    Pour n'en pas perdre une miette, n'est-ce-pas ?
    Et les vauriens qui vous amusent, ces vauriens qui vous dérangent aussi, on les enveloppe dans un fait divers pendant que vous enveloppez les vôtres dans un drapeau

    Vous vous croyez toujours, vous autres, dans un haras
    La race ça vous tient debout dans ce monde que vous avez assis
    Vous avez le style du pouvoir
    Vous en arrivez même à vous parler à vous-mêmes
    Comme si vous parliez à vos subordonnés
    De peur de quitter votre stature, vos boursouflures, de peur qu'on vous montre du doigt, dans les corridors de l'ennui, et qu'on se dise: "Tiens, il baisse, il va finir par se plier, par ramper"
    Soyez tranquilles ! Pour la reptation, vous êtes imbattables
    Seulement, vous ne vous la concédez que dans la métaphore
    Vous voulez bien vous allonger, mais avec de l'allure
    Cette "allure" que vous portez, Monsieur, à votre boutonnière
    Et quand on sait ce qu'a pu vous coûter de silences aigres
    De renvois mal aiguillés
    De demi-sourires séchés comme des larmes
    Ce ruban malheureux et rouge comme la honte, dont vous ne vous êtes jamais décidé à empourprer votre visage
    Je me demande pourquoi la nature met
    Tant d'entêtement
    Tant d'adresse
    Et tant d'indifférence biologique
    A faire que vos fils ressemblent à ce point à leurs pères
    Depuis les jupes de vos femmes matrimoniaires
    Jusqu'aux salonnardes équivoques où vous les dressez à boire
    Dans votre grand monde
    A la coupe des bien-pensants

    Moi, je suis un bâtard
    Nous sommes tous des bâtards
    Ce qui nous sépare, aujourd'hui, c'est que votre bâtardise à vous est sanctionnée par le code civil
    Sur lequel, avec votre permission, je me plais à cracher, avant de prendre congé

    Soyez tranquilles, vous ne risquez rien !

    Il n'y a plus rien

    Et ce rien, on vous le laisse !
    Foutez-vous-en jusque-là, si vous pouvez
    Nous, on peut pas
    Un jour, dans dix mille ans
    Quand vous ne serez plus là
    Nous aurons tout
    Rien de vous
    Tout de nous

    Nous aurons eu le temps d'inventer la Vie, la Beauté, la Jeunesse
    Les larmes qui brilleront comme des émeraudes dans les yeux des filles
    Les bêtes enfin détraquées
    La priorité à gauche, permettez !

    Nous ne mourrons plus de rien
    Nous vivrons de tout

    Et les microbes de la connerie que nous n'aurez pas manqué de nous léguer
    Montant
    De vos fumures
    De vos livres engrangés dans vos silothèques
    De vos documents publics
    De vos règlements d'administration pénitentiaire
    De vos décrets
    De vos prières, même
    Tous ces microbes juridico-pantoufles
    Soyez tranquilles !
    Nous avons déjà des machines pour les révoquer
    Écoute, écoute... Dans le silence de la mer, il y a comme un balancement maudit qui vous met le cœur à l'heure, avec le sable qui se remonte un peu, comme les vieilles putes qui remontent leur peau, qui tirent la couverture.

    Immobile... L'immobilité, ça dérange le siècle.
    C'est un peu le sourire de la vitesse, et ça sourit pas lerche, la vitesse, en ces temps.
    Les amants de la mer s'en vont en Bretagne ou à Tahiti.
    C'est vraiment con, les amants.

    Il n'y a plus rien

    Camarade maudit, camarade misère...
    Misère, c'était le nom de ma chienne qui n'avait que trois pattes.
    L'autre, le destin la lui avait mise de côté pour les olympiades de la bouffe et des culs semestriels qu'elle accrochait dans les buissons pour y aller de sa progéniture.
    Elle est partie, Misère, dans des cahots, quelque part dans la nuit des chiens.

    Camarade tranquille, camarade prospère
    Quand tu rentreras chez toi
    Pourquoi chez toi ?
    Quand tu rentreras dans ta boîte, rue d'Alésia ou du Faubourg
    Si tu trouves quelqu'un dans ton lit
    Si tu y trouves quelqu'un qui dort
    Alors va-t'en, dans le matin clairet
    Seul
    Te marie pas
    Si c'est ta femme qui est là, réveille-la de sa mort imagée
    Fous-lui une baffe, comme à une qui aurait une syncope ou une crise de nerfs...
    Tu pourras lui dire : "Dis, t'as pas honte de t'assumer comme ça dans ta liquide sénescence ?
    Dis, t'as pas honte ? Alors qu'il y a quatre-vingt-dix mille espèces de fleurs ?
    Espèce de conne !"
    Et barre-toi !
    Divorce-la
    Te marie pas !
    Tu peux tout faire
    T'empaqueter dans le désordre, pour l'honneur, pour la conservation du titre...

    Le désordre, c'est l'ordre moins le pouvoir!

    Il n'y a plus rien

    Je suis un nègre blanc qui mange du cirage
    Parce qu'il se fait chier à être blanc, ce nègre,
    Il en a marre qu'on lui dise: " Sale blanc !"

    A Marseille, la Sardine qui bouche le port
    Était bourrée d'héroïne
    Et les hommes-grenouilles n'en sont pas revenus...
    Libérez les sardines
    Et y aura plus de mareyeurs !

    Si tu savais ce que je sais
    On te montrerait du doigt dans la rue
    Alors, il vaut mieux que tu ne saches rien
    Comme ça, au moins, tu es peinard, anonyme, citoyen !

    Tu as droit, citoyen, au minimum décent
    A la publicité des enzymes et du charme
    Au trafic des dollars et aux trafiquants d'armes
    Qui traînent les journaux dans la boue et le sang

    Tu as droit à ce bruit de la mer qui descend
    Et si tu veux la prendre, elle te fera du charme
    Avec le vent au cul et des sextants d'alarme
    Et la mer reviendra sans toi, si tu es méchant

    Les mots... toujours les mots, bien sûr !
    Citoyens ! Aux armes !
    Aux pépées, citoyens ! A l'amour, citoyens !
    Nous entrerons dans la carrière quand nous aurons cassé la gueule à nos aînés !
    Les préfectures sont des monuments en airain
    Un coup d'aile d'oiseau ne les entame même pas, c'est vous dire !

    Nous ne sommes même plus des Juifs allemands
    Nous ne sommes plus rien
    Il n'y a plus rien

    Des futals bien coupés sur lesquels lorgnent les gosses, certes !
    Des poitrines occupées
    Des ventres vacants
    Arrange-toi avec ça !

    Le sourire de ceux qui font chauffer leur gamelle
    Sur les plages reconverties et démoustiquées
    C'est-à-dire en enfer, là où Dieu met ses lunettes noires pour ne pas risquer d'être reconnu par ses admirateurs
    Dieu est une idole, aussi !
    Sous les pavés, il n'y a plus la plage
    Il y a l'enfer et la sécurité
    Notre vraie vie n'est pas ailleurs, elle est ici
    Nous sommes au monde, on nous l'a assez dit
    N'en déplaise à la littérature

    Les mots, nous leur mettons des masques, un bâillon sur la tronche
    A l'encyclopédie, les mots !
    Et nous partons avec nos cris !
    Et voilà !

    Il n'y a plus rien...plus, plus rien

    Je suis un chien ?
    Perhaps !
    Je suis un rat
    Rien
    Avec le cœur battant jusqu'à la dernière battue

    Nous arrivons avec nos accessoires pour faire le ménage dans la tête des gens
    Apprends donc à te coucher tout nu !
    Fous en l'air tes pantoufles !
    Renverse tes chaises !
    Mange debout !
    Assois-toi sur des tonnes d'inconvenances et montre-toi à la fenêtre en gueulant des gueulantes de principe

    Si jamais tu t'aperçois que ta révolte s'encroûte et devient une habituelle révolte, alors
    Sors
    Marche
    Crève
    Baise
    Aime enfin les arbres, les bêtes et détourne-toi du conforme et de l'inconforme
    Lâche ces notions, si ce sont des notions
    Rien ne vaut la peine de rien

    Il n'y a plus rien...plus, plus rien

    Invente des formules de nuit. CLN : C'est la nuit !
    Même au soleil, surtout au soleil, c'est la nuit

    Tu peux crever. Les gens ne retiendront même pas une de leurs inspirations
    Ils canaliseront sur toi leur air vicié en des regrets éternels puant le certificat d'études et le catéchisme ombilical
    C'est vraiment dégueulasse !
    Ils te tairont, les gens
    Les gens taisent l'autre, toujours
    Regarde, à table, quand ils mangent
    Ils s'engouffrent dans l'innommé
    Ils se dépassent eux-mêmes et s'en vont vers l'ordure et le rot ponctuel !

    La ponctuation de l'absurde, c'est bien ce renversement des réacteurs abdominaux, comme à l'atterrissage : on rote et on arrête le massacre
    Sur les pistes de l'inconscient, il y a des balises baveuses toujours un peu se souvenant du frichti, de l'organe, du repu

    Mes plus beaux souvenirs sont d'une autre planète
    Où les bouchers vendaient de l'homme à la criée

    Moi, je suis de la race ferroviaire qui regarde passer les vaches
    Si on ne mangeait pas les vaches, les moutons et les restes
    Nous ne connaîtrions ni les vaches, ni les moutons, ni les restes
    Au bout du compte, on nous élève pour nous becqueter
    Alors, becquetons !
    Côte à l'os pour deux personnes, tu connais ?

    Heureusement il y a le lit : un parking !
    Tu viens, mon amour ?
    Et puis, c'est comme à la roulette : on mise, on mise
    Si la roulette n'avait qu'un trou, on nous ferait miser quand même
    D'ailleurs, c'est ce qu'on fait !
    Je comprends les joueurs : ils ont trente-cinq chances de ne pas se faire mettre
    Et ils mettent, ils mettent
    Le drame, dans le couple, c'est qu'on est deux
    Et qu'il n'y a qu'un trou dans la roulette

    Quand je vois un couple dans la rue, je change de trottoir !
    Te marie pas
    Ne vote pas
    Sinon t'es coincé

    Elle était belle comme la révolte
    Nous l'avions dans les yeux
    Dans les bras, dans nos futals
    Elle s'appelait l'imagination
    Elle dormait comme une morte, elle était comme morte
    Elle sommeillait
    On l'enterra de mémoire

    Dans le cocktail Molotov, il faut mettre du Martini, mon petit !

    Transbahutez vos idées comme de la drogue. Tu risques rien à la frontière
    Rien dans les mains
    Rien dans les poches

    Tout dans la tronche !

    - Vous n'avez rien à déclarer ?
    - Non
    - Comment vous nommez-vous ?
    - Karl Marx
    - Allez, passez

    Nous partîmes. Nous étions une poignée...

    Nous nous retrouverons bientôt démunis, seuls, avec nos projets dans le passé
    Écoutez-les...écoutez-les...
    Ça râpe comme le vin nouveau
    Nous partîmes...Nous étions une poignée
    Bientôt ça débordera sur les trottoirs
    La parlote, ça n'est pas un détonateur suffisant
    Le silence armé, c'est bien, mais il faut bien fermer sa gueule
    Toutes des concierges !
    Écoutez-les...

    Il n'y a plus rien

    Si les morts se levaient ?
    Hein ?

    Nous étions combien ?
    Ça ira !

    La tristesse, toujours la tristesse

    Ils chantaient, ils chantaient
    Dans les rues

    Te marie pas
    Ceux de San Francisco, de Paris, de Milan
    Et ceux de Mexico
    Bras dessus bras dessous
    Bien accrochés au rêve

    Ne vote pas

    Ô DC-8 des pélicans
    Cigognes qui partent à l'heure
    Labrador, lèvres des bisons
    J'invente en bas des rennes bleus
    En habit rouge du couchant
    Je vais à l'ouest de ma mémoire
    Vers la clarté, vers la clarté

    Je m'éclaire la nuit dans le noir de mes nerfs
    Dans l'or de mes cheveux j'ai mis cent mille watts
    Des circuits sont en panne dans le fond de ma viande
    J'imagine le téléphone dans une lande
    Celle où nous nous voyons moi et moi
    Dans cette brume obscène au crépuscule teint
    Je ne suis qu'un voyant embarrassé de signes
    Mes circuits déconnectent
    Je ne suis qu'un binaire

    Mon fils, il faut lever le camp comme lève la pâte
    Il est tôt. Lève-toi. Prends du vin pour la route
    Dégaine-toi du rêve anxieux des bien-assis
    Roule, roule, mon fils, vers l'étoile idéale
    Tu te rencontreras, tu te reconnaîtras
    Ton dessin devant toi, tu rentreras dedans
    La mue ça se fait à l'envers dans ce monde inventif
    Tu reprendras ta voix de fille et chanteras demain
    Retourne tes yeux au-dedans de toi
    Quand tu auras passé le mur du mur
    Quand tu auras outrepassé ta vision
    Alors tu verras... rien!

    Il n'y a plus rien

    Que les pères et les mères
    Que ceux qui t'ont fait
    Que ceux qui ont fait tous les autres
    Que les "Monsieur"
    Que les "Madame"
    Que les assis dans les velours glacés, soumis, mollasses
    Que ces horribles magasins roulants
    Qui portent tout en devanture
    Tous ceux à qui tu pourras dire :

    Monsieur !
    Madame !

    Laissez donc ces gens-là tranquilles
    Ces courbettes imaginées que vous leur inventez
    Ces désespoirs soumis
    Toute cette tristesse qui se lève le matin à heure fixe pour aller gagner vos sous
    Avec les poumons resserrés
    Les mains grandies par l'outrage et les bonnes mœurs
    Les yeux défaits par les veilles soucieuses
    Et vous comptez vos sous ?
    Pardon, leurs sous !

    Ce qui vous déshonore
    C'est la propreté administrative, écologique, dont vous tirez orgueil
    Dans vos salles de bains climatisées
    Dans vos bidets déserts
    En vos miroirs menteurs

    Vous faites mentir les miroirs !
    Vous êtes puissants au point de vous refléter tels que vous êtes
    Cravatés
    Envisonnés
    Empapaoutés de morgue et d'ennui dans l'eau verte qui descend
    des montagnes et que vous vous êtes arrangés pour soumettre
    A un point donné
    A heure fixe

    Pour vos narcissiques partouzes
    Vous vous regardez et vous ne pouvez même plus vous reconnaître
    Tellement vous êtes beaux
    Et vous comptez vos sous
    En long
    En large
    En marge
    De ces salaires que vous lâchez avec précision
    Avec parcimonie
    J'allais dire "en douce", comme ces aquilons avant-coureurs et qui racontent les exploits du bol alimentaire, avec cet apparat vengeur et nivellateur qui empêche toute identification
    Je veux dire que pour exploiter votre prochain, vous êtes les champions de l'anonymat

    Les révolutions ? Parlons-en !
    Je veux parler des révolutions qu'on peut encore montrer
    Parce qu'elles vous servent
    Parce qu'elles vous ont toujours servis
    Ces révolutions qui sont de "l'Histoire"
    Parce que les "histoires" ça vous amuse, avant de vous intéresser
    Et quand ça vous intéresse, il est trop tard, on vous dit qu'il s'en prépare une autre
    Lorsque quelque chose d'inédit vous choque et vous gêne
    Vous vous arrangez la veille, toujours la veille, pour retenir une place
    Dans un palace d'exilés, dans un pays sûr, entouré du prestige des déracinés
    Les racines profondes de ce pays, c'est vous, paraît-il
    Et quand on vous transbahute d'un désordre de la rue, comme vous dites, à un ordre nouveau, vous vous faites greffer au retour et on vous salue

    Depuis deux cents ans, vous prenez des billets pour les révolutions.
    Vous seriez même tentés d'y apporter votre petit panier
    Pour n'en pas perdre une miette, n'est-ce-pas ?
    Et les vauriens qui vous amusent, ces vauriens qui vous dérangent aussi, on les enveloppe dans un fait divers pendant que vous enveloppez les vôtres dans un drapeau

    Vous vous croyez toujours, vous autres, dans un haras
    La race ça vous tient debout dans ce monde que vous avez assis
    Vous avez le style du pouvoir
    Vous en arrivez même à vous parler à vous-mêmes
    Comme si vous parliez à vos subordonnés
    De peur de quitter votre stature, vos boursouflures, de peur qu'on vous montre du doigt, dans les corridors de l'ennui, et qu'on se dise: "Tiens, il baisse, il va finir par se plier, par ramper"
    Soyez tranquilles ! Pour la reptation, vous êtes imbattables
    Seulement, vous ne vous la concédez que dans la métaphore
    Vous voulez bien vous allonger, mais avec de l'allure
    Cette "allure" que vous portez, Monsieur, à votre boutonnière
    Et quand on sait ce qu'a pu vous coûter de silences aigres
    De renvois mal aiguillés
    De demi-sourires séchés comme des larmes
    Ce ruban malheureux et rouge comme la honte, dont vous ne vous êtes jamais décidé à empourprer votre visage
    Je me demande pourquoi la nature met
    Tant d'entêtement
    Tant d'adresse
    Et tant d'indifférence biologique
    A faire que vos fils ressemblent à ce point à leurs pères
    Depuis les jupes de vos femmes matrimoniaires
    Jusqu'aux salonnardes équivoques où vous les dressez à boire
    Dans votre grand monde
    A la coupe des bien-pensants

    Moi, je suis un bâtard
    Nous sommes tous des bâtards
    Ce qui nous sépare, aujourd'hui, c'est que votre bâtardise à vous est sanctionnée par le code civil
    Sur lequel, avec votre permission, je me plais à cracher, avant de prendre congé

    Soyez tranquilles, vous ne risquez rien !

    Il n'y a plus rien

    Et ce rien, on vous le laisse !
    Foutez-vous-en jusque-là, si vous pouvez
    Nous, on peut pas
    Un jour, dans dix mille ans
    Quand vous ne serez plus là
    Nous aurons tout
    Rien de vous
    Tout de nous

    Nous aurons eu le temps d'inventer la Vie, la Beauté, la Jeunesse
    Les larmes qui brilleront comme des émeraudes dans les yeux des filles
    Les bêtes enfin détraquées
    La priorité à gauche, permettez !

    Nous ne mourrons plus de rien
    Nous vivrons de tout

    Et les microbes de la connerie que nous n'aurez pas manqué de nous léguer
    Montant
    De vos fumures
    De vos livres engrangés dans vos silothèques
    De vos documents publics
    De vos règlements d'administration pénitentiaire
    De vos décrets
    De vos prières, même
    Tous ces microbes juridico-pantoufles
    Soyez tranquilles !
    Nous avons déjà des machines pour les révoquer

    Nous aurons tout

    Dans dix mille ans

    Nous aurons tout

    Dans dix mille ans





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