• L’apostasie en islam (arabe : irtidād, ارتداد, recul, défection, rebond) est le rejet de la religion islamique par un musulman.

    Il n'existe pas de définitions et d'attitudes punitives homogènes à travers le monde islamique : on trouve ainsi de grandes différences selon les orientations politiques et l'époque. Toutefois, les quatre écoles majeures de jurisprudence islamique (madhhab) considèrent qu'un apostat doit être exécuté et ce en se basant sur un hadith d'Ibn `Abbâs dans lequel il rapporte que le prophète de l'islam, Mahomet, aurait dit : « Quiconque change sa religion, tuez-le. ». Ces propos sont rapportés par al-Boukhari mais ne sont pas repris par Muslim[1].

    D'une manière générale, en arabe, kafir (kâfir) désigne le mécréant, l'apostat et l'athée. Il peut aussi désigner l'hérétique et toutes sortes de dissidents politiques Le takfîr représente la déclaration d'apostasie.

    Dans le Coran

    Il n'y existe pas de description claire de l'attitude à adopter face à l'apostasie : il indique essentiellement que l'apostasie existe et que Dieu la réprouve.

    « Et ceux parmi vous qui abjureront leur religion et mourront infidèles, vaines seront pour eux leurs actions dans la vie immédiate et la vie future[2]. »

    « Ainsi dit une partie des gens du Livre : “Au début du jour, croyez à ce qui a été révélé aux Musulmans, mais, à la fin du jour, rejetez-le, afin qu'ils retournent (à leur ancienne religion)[3]. »

    « En vérité, ceux qui ne croient plus après avoir eu la foi, et laissent augmenter encore leur mécréance, leur repentir ne sera jamais accepté. Ceux là sont vraiment les égarés[4]. »

    « Ô les croyants ! Si vous obéissez à ceux qui ne croient pas, ils vous feront retourner en arrière. Et vous redeviendrez perdants[5]. »

    « Ceux qui ont cru, puis sont devenus mécréants, puis ont cru de nouveau, ensuite sont redevenus mécréants, et n'ont fait que croître en mécréance, Allah ne leur pardonnera pas, ni ne les guidera vers un chemin[6] »

    « Ô les croyants ! Quiconque parmi vous apostasie de sa religion… Dieu fera alors venir un peuple qu'Il aime et qui L'aime[7]. »

    « Ceux qui sont revenus sur leurs pas après que le droit chemin leur a été clairement exposé, le diable les a séduits et trompés[8]. »

    « Quiconque a renié Dieu après avoir cru… - sauf celui qui y a été contraint alors que son cœur demeure plein de la sérénité de la foi - mais ceux qui ouvrent délibérément leur cœur à la mécréance, ceux-là ont sur eux une Colère de Dieu et ils ont un châtiment terrible[9]. »

    Néanmoins un verset du Coran explique :

    « Point de contrainte en religion (La ikraha fi al-dinn)[10]. »

    Le Coran montre dans des centaines de versets, par rapport à toutes les dimensions de la question de la foi, que la source première et le fondement de cette foi est le cœur et la volonté. Il affirme que même les prophètes n’ont pas à contraindre les gens à la foi, qu’il n’y a nulle contrainte en religion et que croit qui veut et mécroit qui veut.

    L’idée de l’apostasie s’accompagnait, au temps de Mahomet, de l’inimitié envers l’islam et de la guerre contre lui. Celui qui croyait s’activait à le défendre et celui qui apostasiait s’activait à le combattre, en rejoignant les idolâtres, comme cela fut le cas par exemple de `Abd Allâh Ibn Sa`d Ibn Abî Sarh. Ce dernier s’était en effet converti à l’islam, puis avait apostasié. Il se mit alors à rassembler la tribu de Quraysh contre le prophète Mahomet qui le condamna à mort par contumace. Lors de la conquête de la Mecque, l’apostat se réfugia chez `Uthmân Ibn `Affân, qui était son frère de lait. `Uthmân le couvrit chez lui jusqu’à ce que les choses se calment, après quoi il l’amena devant Mahomet, lui demandant de lui octroyer sa protection. Mahomet se tut alors pendant un long moment, avant de la lui donner. L’apostat finit par se reconvertir à l’islam.

    Dans les hadiths

    Les hadiths sont des propos attribués à Mahomet et rapportés par divers témoins. Deux de ces citations sont notamment considérées par certains théologiens islamiques comme allant dans le sens d'une application de la peine de mort en cas d'apostasie :

    «  Le sang d'un musulman, qui accepte qu'il n'y a d'autre Dieu qu'Allah et que je suis Son prophète, ne peut être versé que dans trois conditions: en cas de meurtre, pour une personne mariée qui s'adonne au sexe de manière illégale, et pour celui qui s'éloigne de l'islam et quitte les musulmans[11]. »

    « Celui qui change de religion, tuez-le[12]. »

    Cet acte est imprescriptible et ne peut faire l'objet de grâce de la part des autorités

    Ce hadith est rapporté par Bukharî (mort en 870) et n'est pas repris par Muslim (mort en 875) dans son Sahih. Cela en fait un hadith ahad c'est-à-dire rapporté uniquement par un seul compilateur en l'occurrence Bukhari et cet état devrait en diminuer la portée, car Muslim conteste certains critères d'authenticité retenus par Bukharî

    Rien dans la biographie de Mahomet ne contient la moindre information crédible favorisant la mise en exécution d'une telle sentence. Au contraire, deux épisodes le montrent traitant avec des apostats ou des personnes ayant quitté sa communauté.

    • Hadith d’Ibn Mas`ûd :

    « Le sang d’un musulman qui atteste qu’il n’y a de dieu que Dieu et que je suis le Messager de Dieu est illicite sauf dans trois cas : l’homicide volontaire, le fornicateur qui a déjà connu le mariage et l’apostat qui abandonne la Communauté. »

    • L’érudit Ibn Rajab affirme :

    « Tuer dans chacun de ces trois cas est consensuellement admis par les musulmans. »

    Ce consensus se limite à deux ulémas, morts en 878.

    Pourtant, on le voit signer un traité avec Quraysh encore païen, dont une clause précise que rien ne doit empêcher ceux qui le souhaitent de retourner dans la tribu adverse et, partant, de retourner à l'idolâtrie ante-musulmane. Cet article du traité Hudaybiya n'est pas rapporté par Bukharî.

    L'imam Khomeini a argué de ce principe pour émettre une fatwa de condamnation à mort contre l'écrivain britannique Salman Rushdie.

    Authenticité

    Deux hadiths rapportent de l'exécution de l'apostat :

    • Le premier est celui rapporté par A'krama Mouli Ibn Abbas disant:

    « Celui qui change de religion, tuez-le[13] »

    Une critique fréquente à l'encontre d'A'krama Mouli Ibn Abbasfont est qu'il n'avait que 13 ans à la mort de Mahomet et donc que ses écrits ont peu de chance d'être fiables.

    • Le deuxième est celui rapporté par Abdullah disant:

    « Le sang d'un musulman, qui accepte qu'il n'y a d'autre Dieu qu'Allah et que je suis Son prophète, ne peut être versé que dans trois conditions: en cas de meurtre, pour une personne mariée qui s'adonne au sexe de manière illégale, et pour celui qui s'éloigne de l'islam et quitte les musulmans[11]. »

    Du temps de Mahomet, tous ceux qui quittaient l'islam rejoignaient systématiquement les tribus ennemis des musulmans pour se battre à leurs côtés et donc devenaient les ennemis des musulmans. Ce qui pousse de nombreux musulmans à dire que les deux citations justifient la peine de mort pour les musulmans apostats uniquement dans ce contexte-là.

    Ridda et Irtidâd

    Il existe dans l'islam deux types d'apostasie : la ridda[14] et l'irtidâd[15]. Les deux mots ont une racine commune (RDD)[16] avec le sens de rejeter.

    Les guerres de Ridda

    Ridda signifie le rejet mais aussi la sécession. Reste à savoir ce que rejetaient ceux qui firent l'objet des guerres de ridda racontées dans la littérature des expéditions.

    Selon Abu Miknaf, mort en 774, une partie des tribus confédérées par la Constitution de Médine refusaient l'impôt qu'il s'agisse de la zakât ou de la sadaqât (aumône) qui étaient des tributs obligatoires. Ainsi, au Yémen, Al-Wâqidiy rapporte :

    « Par Dieu ! Nous voici devenus les esclaves des Quraysh. Ils prennent ce qu'ils veulent de nos biens. Par Dieu ! Que plus jamais Quraysh ne puisse convoiter nos biens désormais. » On comprendrait donc, dans ce cas de figure, que l'interprétation en apostasie du rejet de l'impôt est une reconstruction de l'histoire destinée à justifier la guerre de conquête ou le maintien d'une colonisation de fait. Néanmoins le Coran précise par ailleurs que les non-croyants sont soumis au contraire à un impôt différent, le zakât étant remplacé pour eux par la djizyah[17].

    L'assimilation à la sécession se rencontre dans les guerres menées par Abou Bakr qui sont systématiquement menées contre les leaders charismatiques classés par les tribus comme devins, prophètes et poètes, tels que la poétesse et prophétesse Sajâh que la littérature des Expéditions et des Conquêtes classe parmi les imposteurs.

    Cet aspect est évident dans le cas de la confédération des Banû Hanîfa, sous la direction de Musaylima, qui regroupe des tribus monothéistes plus anciennes honorant un Dieu qu'elles nomment Al-Rahman, le Miséricordieux. Cette appellation d'étymologie araméenne a conduit nombre de chercheurs à penser qu'il s'agit là de groupes chrétiens monophysites pré-nicéens.

    Ces tribus durent faire allégeance et Tabâri raconte leur sort de la façon suivante :

    « Kâlid Ibn al Walid avait livré au feu des gens qui appartenaient à la Ridda. Omar dit alors à Abu Bakr “Vas-tu laisser faire celui-ci qui se permet d'infliger un châtiment qui est réservé à Dieu ?” Abou Bakr lui répondit : “Je ne rengainerai pas un sabre que Dieu a dégainé contre les païens (mushrikîn)”. »

    On comprend donc que la raison de la guerre est la concurrence d'une autre confédération rivale. Le récit construit en lutte contre l'apostasie est donc là une réécriture visant à justifier la guerre.

    Irtidâd

    Étymologiquement, l'irtidâd correspond au "retour en arrière".

    Elle signifie le détournement délibéré, sans contrainte aucune, du musulman, mature et conscient, de l'islam vers la dénégation. Cette définition est aussi bien valable pour l'homme que pour la femme.

    Chez les hanbalites les plus rigoristes, la sentence de mort est admise pour les hommes et récusée pour les femmes. L'argument de la récusation tient aux circonstances du hadith, liées aux conquêtes et sécessions.

    La peine de mort est par ailleurs appliquée dans les pays arabo-musulmans suite à de nombreux délits qui n'ont rien de religieux. Comme le note Tareq Oubrou[18] « Ce qui se passe dans le monde musulman sur cette question relève d'interêts politiques et économiques sans aucune logique ni éthique. »

    Une tradition existe qui suffirait à justifier l'abolition de cette pratique pour peu que des gouvernements démocrates dans les pays concernés le souhaitent. On peut donc s'interroger sur le point de savoir si les gouvernements qui intègrent la charia (en fait, la prennent pour source de droit dans cette interprétation particulière) dans leur constitution ne le font pas dans le projet de disposer des potentialités de terrorisme d'État qu'elle recèle. Le rejet, la persécution voire la peur du meurtre poussent des apostats de l'islam à choisir l'exil.